Réalisation Françoise Lambert (vidéo couleur, durée 2 min 27 sec.)

à propos

Pascal Hausherr est photographe. Il est basé à Montrouge (92), aux portes de Paris.

Pascal Hausherr s’affirme dans les années 1990 par une photographie alliant auto-fiction et mise en scène. À partir des années 2000, son travail s'oriente vers une documentation subjective des limites politiques, sociales, économiques de la France. Ses œuvres sont conservées à la Bibliothèque nationale de France, au Musée Carnavalet, à la Maison européenne de la photographie à Paris.

Il a publié aux éditions Trans Photographic Press : “De quoi demain” en 2009 et “Encore” en 2012. Il figure en 2010, puis en 2018 pour la troisième édition, dans “La photographie contemporaine” de Michel Poivert, éditions Flammarion, et en 2019 dans “50 ans de photographie française de 1970 à nos jours” de Michel Poivert, éditions Textuel, Paris. En mai 2024, paraissent simultanément aux Éditions Loco deux livres "Les Modernes" et "Prospective".

Professionnellement, Pascal Hausherr est spécialisé dans la reproduction photographique d'œuvres d'art. Il réalise des commandes de portraits en studio ou in situ, pour des entreprises et pour des particuliers. Il photographie principalement le monde de l'art (œuvres, portraits, reportage, événementiel) et il répond aux besoins des entreprises en photographie institutionnelle, corporate, portraits.

about me

Pascal Hausherr is a photographer. He lives and works in Montrouge (92), close to Paris.

Pascal Hausherr’s photography developped into the 1990’s in the field of self fiction and mise en scene. From the year 2000 onwards, his work explores a subjective documentation of the political, social and economical limits in France. His works are housed in Bibliothèque nationale de France, Musée Carnavalet and Maison européenne de la photographie in Paris.

He has published two books with the french publisher Trans Photographic Press (Paris) : “De quoi demain” in 2009 and “Encore” in 2012. His works can also be seen in “La photographie contemporaine” by Michel Poivert, Publisher Flammarion (2010 and 2018), and in “50 ans de photographie française de 1970 à nos jours” by Michel Poivert, Publisher Textuel, Paris (2019). In May 2024, two books, "Les Modernes" and "Prospective", were published simultaneously by Éditions Loco, Paris.

Pascal Hausherr is a specialist of photographic reproduction of work of art. He works as a portraitist for companies and individual customers, in his studio or on location. He mainly specialized in the fields of arts and in the photographic needs of companies (corporate, portraits).

ACTUALITÉS 2025

De l'homme effondré à l'homme ordinaire

La technologie numérique a libéré ma photographie, à savoir que tout ce qui était réglages d’ordre mécanique propre à l’argentique s’est déplacé au profit de réglages à l’endroit même de la pensée, comme étant le siège même de l’acte photographique. C’est en ce sens qu’une photographie pensée et prévue peut se conceptualiser et tendre vers une certaine forme d’abstraction.

Deux ensembles photographiques comme concepts m’occupent aujourd’hui : Effondrements et L’Homme ordinaire. De l’un à l’autre, ça témoigne d’un glissement progressif d’une perception de l’homme pensé comme « chute » à l’homme pensé comme « ordinaire ».

La photographie, en tant que ça peut être un art, est l’histoire recommencée du glissement d’une chose à une autre chose.

Effondrements, c’est une sélection resserrée de photographies réalisées entre 2010 et 2024 et qui toutes tentent de représenter un archétype d’effondrement — ou d’instabilité — réel, associées à des pensées, maximes ou aphorismes issus des notes de mon Journal écrites en cette même période et qui leur font écho.

L’Homme ordinaire, c’est la conscience nette que, sous les yeux de l’Occident du moins, nous sommes tous les mêmes, et c’est là le sens éminemment politique de mon travail. « Ordinaire» signifie donc pour moi absence revendiquée et défendue de titres, qu’ils soient de séjour, de fonction, de noblesse, de grandeur, de compétition, etc. Mais c’est aussi la conscience que j’ai d’être un homme ordinaire, politiquement. J’ai toujours cherché à ne pas établir de hiérarchie, d’aucune sorte et en quelque objet que ce soit, c’est en cela que je pense que tout est égal, photographiquement s’entend. Après dans l’ordre social c’est une autre affaire. Nous n’avons pas de compte à rendre, mais à rendre compte d’un état du monde dans lequel on vit et du temps qui nous est accordé.
Le progrès est une illusion, et les mots de Jean de La Croix restent d’actualité : « Il faut aller des choses qu’on voit et qui n’existent pas aux choses qu’on ne voit pas et qui existent. » (XVIe)

Comment alors ne pas penser aux années 1930 qui précèdent l’invasion de l’Autriche par l’Allemagne et au roman inachevé de Robert Musil, Der Mann ohne Eigenschaften, traduit en français par L’Homme sans qualités.

Quand je dis « chute » ou « effondrement », ce n’est pas en terme de morale. Je ne cède à nulle idée de déclin et je n’abonde pas à cette devenue banale perspective de faillite civilisationnelle. Je n’annonce pas le chaos. J’épouse au contraire la clause, s’il en faut, de l’alliance d’indétermination et de précision, de retrait et de passion.

Je cherche par la photographie à créer les conditions aptes à penser les possibles, afin de présenter des personnages et des situations à même de nous interroger sur notre présent et sur nos sociétés obsédées par  leur déclin.

De tous temps, j’ai tenu à ce que la fiction s’immisce dans le réel, dans le seul but de dresser un tableau de mon époque et de la vivre sur le mode d’une expérience, tantôt héroïque, tantôt dérisoire, parfois inquiétant et au bout ducompte ordinaire.

L’art se doit d’être utopique ou rien, et certainement pas décoratif. Mon attention se porte avec une précision accrue sur les potentialités et les effets de l’époque actuelle sur les individus.


Cela ne peut se faire qu’une fois ceux-ci privés de qualités — ces attributs qui définissent l’identité individuelle et sociale. C’est en ce sens que je pense que mes images ne représentent pas un univers clos et refermé sur lui-même où l’ordinaire serait une fin en soi, mais bien une tentative de dépasser notre état de déréliction, dans l’attente que parvienne à poindre une lueur de sublime.

Je suis en quête de beauté nue — une de ces espèces de beauté ingrate — qui ne peut être que le fruit d’une entente de l’intellect et du sentiment, de « la tentative du tout, du tout du monde », comme dit Marguerite Duras à propos de Robert Musil.

Je m’éloigne aujourd’hui radicalement du monde des grandes choses. Et quand je dis « ordinaire », il s’agit d’une expérience spontanée d’une sorte de déqualification assortie de la force d’une conscience politique et sociale. Je me vois agissant un peu à la manière des primitifs qui savaient séparer et unir, en un même tableau, indifférence et passion, mépris et bienveillance avec force paradoxes et ambivalence.

La photographie pour moi à ce jour plus que jamais, c’est que si l’on frappe à ma porte, j’ouvre sans hésiter, avec l’espoir de faire acte de pure présence, ce qui au fond est assez utopique.

En vérité, écrivant, je cherche à déterminer si je comprends quelque chose à ce que je raconte, et très précisément au sujet de ce glissement progressif de l'un à l'autre des concepts « effondrement » / « ordinaire » / « sans titres ». Qu’est-ce-que j’entends par là ? Qu’est-ce que vous vous entendez ? Et puis il y a cette idée qui taraude : comment parvenir à être conforme à ses origines, et si c’est le cas, est-ce encore et toujours une histoire de conscience de classe, de fidélité à sa lignée ? C’est le creuset d’un art, parce que forme et fond, c’est une seule et même chose et qu’il ne peut y avoir de hiérarchie dans l’art.

L’homme effondré — qui a pris le titre au pluriel d’Effondrements— était encore doté de qualités puisqu’il était chargé de figurer une possible chute, une situation précaire et instable : ça lui conférait tout de même une singularité, bien qu'indemne de toute tentation moraliste. L’Homme ordinaire, c’est devenu une chose figurée sans attribut aucun, comme une pure apparition, une présence comme à l’état naissant — une photographie faite de telle manière qu’elle déclencherait la pensée qui nous conduirait à imaginer le chemin qui l'avait fait naître. La photographie considère le réel et c’est à quoi il faut se confronter. Il faut se coltiner au réel d’une manière neuve pour faire quelque chose de neuf, afin d'instaurer une réalité photographique nouvelle.

S’il y a une possibilité d’abstraction en photographie, à la seule fin de dégager la sensation pure, c’est en la débarrassant des significations qui l’encombrent et en faisant barrage à ce qui ne la concerne pas.

J'aimerais conclure ici sur les mots de Nathalie Sarraute : « Il s’agit d’exprimer la sensation donnée par la chose, non de montrer la chose elle-même. »
Aussi, il n'y a pas se méprendre quand on regarde une photographie, nous n’y voyons pas un objet et encore moins un sujet. Dans le meilleur des cas nous y voyons une chose, une chose photographique en prise sur le réel certes, mais qui se donne comme une pure pensée poétique, comme l'élément d’une poétique, ce mot précieux qui désigne la création même.

Pascal Hausherr, avril-mai 2025

ACTUALITÉS  2024

TK-21 LaRevue n°154 - juin 2024

Pour accompagner la publication aux Éditions Loco des livres "Prospective" et "Les Modernes", interview de Pascal Hausherr par Françoise Lambert de TK-21.

(cliquer sur l'image pour lire directement l'interview)

https://www.tk-21.com/

The Paper

Entretien de Michel Poivert sur la photographie contemporaine française accordé au quotidien chinois "The Paper" daté du 20 juin 2024.

(cliquer sur l'image pour lire l'interview)

Interview par Brigitte Patient, enregistrée lors de la semaine professionnelle des Rencontres d'Arles, le 5 juillet 2024.

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